Entre les jeunes et les sciences...
Cela se traduit par des essais pratiques, des expériences, toujours postérieurs à la théorie des solutions. L’urgence d’inverser ce processus est cependant remarquable. Contrairement à l’activité d’une majeure partie de la recherche scientifique, celle-ci même qui devait orienter l’enseignement, la pratique dans l’enseignement vient toujours confirmer et renforcer la croyance au pouvoir explicatif de la théorie ou des solutions que celle-ci apporte. D’ailleurs, la pratique ne contient ni ne développe que rarement, voire jamais, des expériences négatives, et se trouve ainsi, avec l’enseignement théorique, tellement bien préparée que l’erreur n’a plus aucune possibilité d’intrusion dans un monde qui n’est pourtant que symboliquement parfait. En d’autres termes, l’enseignement non préparé serait plus fructueux que celui préparé. Si c’est dans l’action, constituée aussi d’hésitations bien formulées, que le premier définit ses objectifs et rétablit sa cohérence, la perfection symbolique ne se révèle du second qu’à travers des procédures déterministes menant toujours à l’attendu, rejetant ainsi l’incertain intrinsèque au réel. Les procédures certaines de l’enseignement préparé éliminent les occasions favorables à la découverte ou à l’invention, intrinsèquement incertaines. Gaston Bachelard a fait observer, jadis, que « les professeurs remplacent les découvertes par des leçons » [15]. Car, étant orienté vers la vérité, l’enseignement structure encore aujourd’hui un champ où la possibilité de l’erreur est bannie et exclue. Nous avons pourtant appris de la performance du code génétique que la diversité aussi résulte de l’erreur. L’enseignement préparé proscrit involontairement la curiosité, par ailleurs naturelle, de l’individu évoluant paradoxalement dans le monde post-mécanique. Cette démarche contre-nature génère le désintérêt et la lassitude. Bien souvent, elle n’arrive pas à élever les esprits affranchis de l’ataraxie au pouvoir de la réfutation. L’erreur, peut-on rappeler au passage, est fondamentale pour la réfutabilité, élevée par Karl Popper au rang de la nécessité pour juger même de la validité d’une théorie scientifique réfutable, autrement dit « non optimiste » [16].(suite)
[1] Guy Ourisson. Désaffection des étudiants pour les études scientifiques. Rapport de la Commission, mars 2002. On peut le consulter à l’adresse : http://www.education.gouv.fr/rapport/ourisson/ourisson.pdf
©Saïd KOUTANI. 2004